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CLEDA

Nathalie a fondé CLEDA (Contre l’exploitation des animaux) en septembre 2007 et a très vite été rejointe par Sophie. Aujourd’hui, CLEDA est bien implanté dans le paysage parisien de la cause animale.

Tu souhaites, Nathalie, que cette interview soit faite en commun avec Sophie. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
D’une façon générale, nous luttons contre toute forme de culte de la personnalité quelle qu’elle soit. Nous n’allons pas déroger à ce principe pour l’interview, même si d’un point de vue journalistique, c’est toujours plus accrocheur de mettre en avant une personne. C’est justement le message que nous ne voulons pas faire passer, d’autant que CLEDA est constitué dans la réalité de deux personnes, Sophie et moi !

Quand et comment es-tu devenue végane, Nathalie ?
En 1992, grâce à des tracts d’associations de protection animale et à des lectures de fanzines punks. Dans un premier temps, j’ai arrêté la viande, le poisson, le cuir, la fourrure et les cosmétiques testés sur animaux, puis, dans un deuxième temps, le lait, les œufs et le miel. C’était pour moi une époque de remise en question et pas uniquement à propos des animaux. En lisant des numéros des Cahiers antispécistes [1], j’ai eu envie de dénoncer le spécisme dans des actions militantes. J’ai toujours trouvé intéressant le parallèle entre le sexisme, le racisme et le spécisme à cause du dénominateur commun : les dominations. Donc on peut me dire végane même si je suis avant tout antispéciste.

Que sont les fanzines ? Et pourquoi parlent-ils de véganisme ?
Un fanzine est une sorte de magazine papier fait par des bénévoles passionnés par tel ou tel sujet et qui ont envie de le faire connaître. La plupart du temps, sa diffusion reste très limitée car il est distribué de la main à la main dans quelques lieux ou lors de certaines occasions. Cela peut tout aussi bien concerner le cinéma, la bande dessinée, la musique ou la politique ! Le premier (fan)zine punk dans lequel j’ai lu des articles contre l’exploitation des animaux s’appelait Break the Chain, animé par Lou, un végétarien convaincu depuis presque vingt ans maintenant. Les premiers groupes punks ayant parlé de végétarisme ou de véganisme provenaient d’Angleterre. Crass et Conflict, par exemple, sont des groupes qui ont mis de côté l’aspect destroy du punk de ses débuts, vers 1975, pour le politiser en faisant une critique du sexisme, du racisme, du rôle de l’État, des prisons, des ravages du capitalisme… ainsi que de l’exploitation des animaux. À l’heure actuelle, nous avons Rage et Compassion, un zine collectif entièrement dédié à la libération animale. Il y a également d’autres zines français qui traitent de la libération animale dans un article ou durant une interview, comme Deuxième Sous-sol [2], We’re Gonna Fight, Ligne 7 [3], Kepala Eskorbuta, Never Know ou Gasmask. Le milieu punk comprend plusieurs courants dont l’anarcho-punk, qui revendique son côté politisé anarchiste. L’anarchisme implique une remise en question de sa façon de penser et d’agir, notamment sur l’égalité et la liberté. Ces deux notions étant un point central de l’antispécisme, il paraît donc logique qu’antispécisme et anarcho-punk puissent faire bon ménage. Concrètement, il y a une proportion plus élevée de végés chez les punks qu’ailleurs, mais c’est loin d’être majoritaire.

Et toi, Sophie, quand et comment es-tu devenue végane ?
J’ai arrêté de manger de la viande et du poisson au moment où je me suis mise à militer contre la fourrure et le foie gras, en octobre 2008. Deux mois plus tard, je suis devenue végane. Le véganisme est pour moi l’aboutissement d’un long cheminement après un passage dans la protection animale qui m’a ouvert les yeux sur l’horreur des abus commis envers les animaux domestiques et d’élevage. J’ai peu à peu pris conscience que la protection des animaux ne suffisait pas et qu’il fallait en réalité s’attaquer au problème de fond de l’utilisation des animaux dans notre société, remettre en cause le spécisme et adopter un mode de vie végane.

Fais-tu une différence entre l’antispécisme et le véganisme ?
Nous préférons parler d’antispécisme car nous ne souhaitons pas mettre particulièrement en avant une identité ou un mode de consommation. Même si nous sommes conscientes qu’il est important de développer pour le grand public des produits véganes et de démarginaliser le véganisme, nous préférons centrer notre discours sur l’antispécisme, le versant politique du véganisme en tant que lutte globale contre un système d’exploitation des plus faibles. Nous ne voudrions pas promouvoir un monde juste véganisé, conservateur et conformiste, qui reposerait sur les mêmes inégalités humaines et sur les mêmes schémas de consommation que le monde dans lequel nous vivons.

Nathalie, pourquoi as-tu fondé CLEDA ?
CLEDA est un collectif antispéciste. À la base, il devait juste être actif à Villejuif, ville dans laquelle j’habite. Je souhaitais y faire des tables d’information sur un marché et quelques affichages. CLEDA avait du mal à évoluer dans un environnement aussi fermé. Il était préférable d’élargir le cercle et d’être présents à Paris, d’autant que le Collectif antispéciste de Paris, groupe dans lequel je militais, venait d’arrêter ses activités. L’arrivée de Sophie a permis cela. CLEDA a maintenant un petit noyau de militantes et militants réguliers.

Peux-tu nous décrire ce qu’était le groupe antispéciste de Paris ?
Le Collectif antispéciste est né des cendres de l’Association pour l’égalité animale, qui avait sorti quatre numéros du journal éponyme. Vu la difficulté de sortir et de distribuer un tel journal, les personnes composant l’association ont préféré mettre fin à celui-ci pour se consacrer à des actions de terrain. La première action fut celle de préparer la Caravane pour l’égalité animale lors de son arrivée à Paris en mai 1999. La caravane s’est arrêtée dans une dizaine de villes françaises, accueillie par les groupes locaux. Étaient proposées à chaque arrêt des actions, des conférences, etc. L’objectif était de faire parler de l’antispécisme au public par le biais de ces actions et par quelques articles publiés dans la presse. La dernière action s’est déroulée le 15 décembre 2007. De 1999 à 2007, beaucoup d’autres actions ont été menées : débats, manifestations devant le Salon de l’agriculture, tables d’information régulières sur les marchés et à des concerts, actions faux sang (déverser du faux sang dans la rue pour faire réagir le public), Journées contre le spécisme, stands d’information au Vegan Day, information contre l’expérimentation animale, pour l’abolition du foie gras, confection de tracts, d’affiches et de L’Antispéfeuille (feuille d’information), etc. Sur le site Internet antispesite.free.fr et sur le forum [4], vous pouvez retrouver des comptes rendus, des tracts, des feuilles d’information, des textes, etc. Le groupe a certainement arrêté ses activités à cause d’un manque de motivation simultané de plusieurs activistes ou à des divergences. C’est vraiment difficile de faire durer un groupe à cause de différents paramètres comme la disponibilité, la motivation, les idées principales, la façon de faire… des militants et militantes. Bref, rien n’est éternel !

Quels types d’actions organisez-vous ?
Nous effectuons régulièrement des tables d’information sur un marché parisien. Nous tenons des stands à certaines occasions (Vegfest [5], Journée sans fourrure [6], Journée mondiale contre le spécisme [7], Marche pour l’abolition de la viande [8]…), nous distribuons des tracts, parfois accompagnées par des militants et militantes qui portent de grands panneaux, nous collons des affiches… Nous nous associons souvent à L214 [9] et relayons certaines de leurs campagnes. Vous pouvez retrouver tous les comptes rendus de nos actions sur notre blog : cleda.over-blog.com.

Et toi Sophie, pourquoi avoir rejoint CLEDA ?
Mon expérience d’avoir consommé des animaux et des produits dérivés des animaux pendant la première moitié de ma vie m’a convaincue de l’importance d’éduquer et d’informer. Je pense que beaucoup de gens ne sont pas véganes par manque d’information. L’intérêt de CLEDA est l’information de proximité avec la distribution de tracts, de brochures, de DVD…

Voudrais-tu que CLEDA s’agrandisse ?
Non, mais j’aimerais que cela fasse des émules ! Si des collectifs comme le nôtre existaient dans chaque quartier, dans chaque arrondissement, on toucherait infiniment plus de monde que ne peuvent le faire les grandes associations.

Nathalie, quels sont tes meilleurs souvenirs ?
Je citerais d’abord la Journée mondiale contre le spécisme 2010 [10]. C’était notre première action barquette (un humain allongé dans une fausse grande barquette pour symboliser un animal mort), la météo était avec nous, il y avait de nombreux militants et militantes, les réactions du public étaient nombreuses, une journaliste de Canal + était présente et en a retransmis quelques minutes dans un documentaire, « La nouvelle guerre de la viande [11] ».

Il y a également eu les deux actions devant le cirque Pinder [12], qui ont demandé beaucoup de préparation. Récemment, j’ai été agréablement surprise de voir, un mois après les avoir collées, des affiches contre le foie gras toujours intactes sur des murs de Paris. Il y a aussi eu, lors d’un stand sur un marché parisien, ce passant qui nous a dit être devenu végétarien suite à une conversation avec nous un an plus tôt sur ce même marché !

À part ces actions, je crois, Sophie, que CLEDA a tourné un film avec une femme remarquable qui tente de redonner aux pigeons une place dans la ville.
Oui, le film a été tourné lors d’un déplacement de pigeons vers leur futur pigeonnier, avec Brigitte Marquet de L’Ambassade des pigeons [13]. C’est un des aspects de notre militantisme que de diffuser et de faire connaître le travail des autres.

Quels supports conseillerais-tu aux autres collectifs souhaitant coller des affiches bien lisibles et qui tiennent longtemps ?
Dans de nombreuses villes, les municipalités mettent à disposition des panneaux libres ou associatifs qui permettent à qui le souhaite de coller des affiches. Malheureusement, leur nombre est restreint, voire inexistant dans certaines villes. Il n’y a pas de recette miracle pour que les affiches tiennent longtemps. La durée de vie d’une affiche varie, elle peut être vite recouverte par une autre comme elle peut rester trois semaines. Évitez d’en coller une seule dans un paramètre mais plusieurs semblables en bloc d’au moins quatre afin qu’elles ne puissent échapper au regard et aussi parce qu’il y aura moins de risque qu’elles soient toutes recouvertes en même temps. Si vous en affichez régulièrement, il est certain qu’elles seront vues et revues par de nombreuses personnes alors qu’un collage isolé n’apportera pas le même résultat. Quant au choix des affiches, vous pouvez les faire vous-mêmes, en commander auprès d’associations ou en trouver sur le Net (sur animauzine.net par exemple). Il ne restera plus qu’à les imprimer au format A3 et à les photocopier. Il est bien sûr préférable d’en coller en couleur, mais leur prix reste souvent un obstacle. Nous privilégions les couleurs qui ressortent bien en noir et blanc. Sur les modalités pratiques, nous vous conseillons une petite vidéo sur le site de L214 : l214.com/collage-affiches.

Nathalie, vis-tu avec des animaux ?
Oui, avec Vanda, une chienne qui vient de la SPA, et Sirius, un chat trouvé malade dans la rue par une association. Pendant que nous réalisons cette interview, de nombreux animaux sont tués non seulement pour l’alimentation humaine, mais aussi faute d’avoir trouvé une famille adoptive. Les sauver, c’est leur éviter la mort.

Et toi, Sophie ? Je me souviens d’une grande chienne présente lors d’une action.
Oui, c’était Mascara, qui a passé cinq ans dans un refuge mouroir au Maroc. J’ai aussi deux chattes, Vénus et Weena, beaucoup plus chanceuses.

Que penses-tu des personnes qui disent qu’avoir des animaux, ce n’est pas végane ?
En plus de mes activités militantes, je fais partie d’un réseau qui aide à capturer des chats errants ou abandonnés mis en danger par la rue ou menacés d’euthanasie. Nous les trappons pour les faire adopter quand ils ne sont pas trop sauvages ou pour les replacer sur des sites sécurisés. Pour moi, être végane, c’est concrètement sauver des vies, et donc favoriser les adoptions.

Sens-tu ces derniers temps un petit frisson dans la population en faveur du véganisme ?
Je ne sais pas si la population a changé, mais on parle de plus en plus dans les médias des bienfaits de la réduction de la consommation de viande. Évidemment, c’est souvent plus l’argument écologique de protection de la planète que celui des droits des animaux qui est mis en avant, mais cela donne tout de même à notre message une visibilité. Des livres comme Bidoche de Nicolino [14] et plus récemment la traduction du best-seller de Foer intitulé Faut-il manger les animaux ? [15] y sont pour quelque chose, ainsi que les enquêtes et les campagnes de L214 qui ont été systématiquement relayées à la télévision et dans les journaux. Comme nous militons également avec eux, ça fait forcément plaisir et c’est encourageant !

Propos recueillis par Frédéric Boucher

Août 2011

Notes :

1. Plus d’informations sur cahiers-antispecistes.org.

2. Fanzine téléchargeable ici : apfdiy.free.fr/pageFANZINES.htm.

3. Fanzine téléchargeable ici : ligne7.hautetfort.com/zine_papier.

4. Le forum est toujours actif : antispeciste.free.fr/index.php.

5. Plus d’informations sur vegfest.fr.

6. Voir le compte rendu : cleda.over-blog.com/article-journee-sans-fourrure-stand-d-information-samedi-9-janvier-2010-41855573.html.

7. Voir le compte rendu : cleda.over-blog.com/article-journee-mondiale-contre-le-specisme-samedi-5-juin-2010-51002207.html.

8. Voir le compte rendu : cleda.over-blog.com/article-marche-pour-l-abolition-de-la-viande-samedi-29-janvier-2011-compte-rendu-66125625.html.

9. Plus d’informations sur l214.com.

10. Voir le compte rendu : cleda.over-blog.com/article-samedi-5-juin-2010-journee-mondiale-contre-lespecisme-51951409.html.

11. Voir la présentation : cleda.over-blog.com/article-video-la-guerre-des-viandes-sur-canal-60127738.html.

12. Voir le compte rendu : cleda.over-blog.com/article-manifestation-contre-le-cirque-pinder-les-18-et-21-decembre-2010-a-paris-62632891.html.

13. Voir le site de l’association : ambassadedespigeons.com/LAmbassade_des_Pigeons/accueil.html.

14. Nicolino (F.), Bidoche. L’Industrie de la viande menace le monde, LLL Les Liens qui libèrent, 2009. Plus d’informations sur fabrice-nicolino.com/index.php.

15. Foer (J. S.), Faut-il manger les animaux ?, Éditions de L’Olivier, 2011 (pour l’édition française). Plus d’informations sur eatinganimals.com (site en anglais).