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Les protéines

Le choix d’une alimentation végétale est souvent l’objet de commentaires sur les insuffisances supposées en protéines, en fer et en zinc. L’alimentation conventionnelle des pays développés est à l’origine de ces craintes, parce que la viande et le poisson sont des sources importantes de protéines, de fer et de zinc, tandis que les œufs et les produits laitiers contribuent fréquemment aux apports protéiques.

Les carences en fer et en zinc sont effectivement des problèmes majeurs dans certains pays, où les alimentations sont restreintes par des coutumes locales ou par la pauvreté. À moins d’être à base de manioc (pauvre en protéines), ces alimentations pourvoient pourtant aux besoins protéiques pourvu que l’apport calorique soit suffisant. Les alimentations végétales occidentales, quant à elles, ont prouvé qu’elles fournissaient des apports adéquats en zinc, en fer et en protéines.

Chaque point mérite cependant d’être traité en détail, afin de dissiper les éventuelles craintes et d’assurer des apports en protéines, en fer et en zinc propres à maintenir une santé optimale.

Il est fréquent qu’une inquiétude infondée soit exprimée vis-à-vis des alimentations végétales, notamment en ce qui concerne les apports en protéines.

Les protéines constituent une source d’azote pour fabriquer et réparer les muscles. Elles apportent également des acides aminés essentiels qui ont des rôles spécifiques et que le corps ne peut pas synthétiser à partir d’autres acides aminés. Dans une tranche d’âge donnée, les besoins en protéines et en acides aminés dépendent à peu près du poids d’une personne. C’est pourquoi les besoins sont exprimés en grammes par kilogramme de masse corporelle. Les besoins qui ont été identifiés par l’Organisation mondiale de la santé et qui ont été acceptés par la plupart des institutions nationales fournissent un référent fiable pour évaluer l’adéquation des sources protéiques.

Selon l’âge, les besoins sont très différents. Comme ils grandissent rapidement, les bébés ont les besoins les plus élevés en protéines, en acides aminés et en calories par kg de masse corporelle. Un bébé a besoin de 108 calories par kg, tandis qu’un adulte âgé peut n’avoir besoin que de 30 calories par kg et par jour. Les besoins protéiques d’un bébé sont de 1,73 g par kg, tandis que ceux d’un adulte ne sont que de 0,75 g par kg. Par contre, le rapport entre les protéines et les calories nécessaires n’est pas si éloigné entre l’adulte âgé (25 g de protéines pour 1000 calories) et le bébé (16 grammes de protéines pour 1000 calories).

Contrairement aux idées reçues, un adulte âgé a besoin d’une alimentation plus concentrée en protéines qu’un bébé. Quel que soit l’âge, 25 g de protéines pour 1000 calories satisferont tous les besoins. La teneur protéique d’un aliment en regard de sa teneur en calories est une notion pratique qui permet de savoir si cet aliment constitue une source protéique adéquate.

Bien qu’il existe huit groupes d’acides aminés essentiels en nutrition humaine, seuls deux d’entre eux doivent vraiment faire l’objet de notre attention, parce que certains aliments végétaux peuvent en contenir de faibles quantités. La lysine est l’acide aminé le moins abondant dans les grains, tandis que les acides aminés sulfurés que sont la méthionine et la cystéine constituent le facteur limitant des légumineuses. Lorsqu’une alimentation contient beaucoup de méthionine, celle-ci est convertie en cystéine (en passant par l’étape homocystéine, voir chapitre 6). On les considère donc généralement comme un ensemble.

Le tableau 11,1 se base sur les estimations de l’Organisation mondiale de la santé  pour les besoins protéiques, caloriques et en acides aminés. Ces chiffres sont obtenus en divisant les apports protéiques et en acides aminés recommandés par la moyenne des besoins caloriques selon l’âge. Cela tient compte de la marge de sécurité de 25 % de plus que les besoins moyens, bien qu’un individu dont les apports caloriques seraient particulièrement bas et dont les exigences protéiques seraient particulièrement élevées puisse avoir besoin de davantage de protéines par calorie que ce qui a été calculé.

3-4 mois 2 ans 11 ans 30 ans 60 ans
Protéines totales 16 11 21 21 25
Lysine 0,95 0,63 0,94 0,33 0,40
Méthionine + cystéine 0,54 0,26 0,47 0,36 0,43

Illustration 11,1 : besoins en protéines et en acides aminés en grammes pour 1000 calories

Les besoins d’un bébé de 3 à 4 mois sont basés sur la composition du lait maternel. Pour les autres âges, les besoins sont basés sur des études de nutrition contrôlée. Les familles peuvent comporter des personnes dont l’âge est très différent, mais qui consomment des combinaisons d’aliments semblables. C’est pourquoi il est particulièrement utile d’identifier les aliments dont la teneur en protéines convient aux besoins de tout le monde, du sevrage à la vieillesse. En raison de leurs faibles apports caloriques, les adultes âgés ont besoin de la nourriture la plus riche en protéines (25 grammes pour 1000 calories). Les adolescents de 11 ans ont les besoins les plus élevés en lysine (1 gramme pour 1000 calories) et en méthionine + cystéine (0,5 gramme pour 1000 calories).

Les besoins en lysine des adultes sont controversés. Certaines études suggèrent que l’estimation de l’Organisation mondiale de la santé devrait être multipliée par deux et demi. L’estimation des besoins en lysine des adultes âgés de 60 ans s’élèverait alors à 1 gramme de lysine pour 1000 calories, c’est-à-dire autant que les besoins des jeunes de 11 ans. L’incertitude liée à la controverse ne change donc rien à la valeur maximale tous âges confondus.

Ces besoins maximaux rapportés à 1000 calories (25 grammes de protéines, 1 gramme de lysine et 0,5 gramme de méthionine + cystéine) peuvent être comparés aux teneurs d’aliments variés pour 1000 calories.

Le tableau 11,2 montre que de nombreux aliments végétaux satisferaient ces mêmes besoins pour des personnes de tous âges, en l’absence même de consommation de tout autre aliment. Les exceptions sont en rouge.

Aliments Protéines Lysine Méthionine + cystéine
Fruits
Pommes 3,22 0,20 0,08
Abricots 29,17 2,02 0,19
Avocats 12,30 0,58 0,36
Bananes 11,20 0,52 0,30
Myrtilles 11,96 0,21 0,32
Dattes 7,16 0,22 0,24
Figues 10,14 0,41 0,24
Raisin 9,30 0,21 0,46
Jus d’orange 15,56 0,20 0,18
Oranges 20,00 1,00 0,64
Poires 6,61 0,24 0,15
Ananas 7,96 0,51 0,27
Bananes plantains 10,66 0,49 0,30
Fraises 20,33 0,83 0,20
Mandarines 14,32 0,73 0,45
Légumes-racines
Carottes 23,95 0,93 0,35
Manioc 8,50 0,28 0,24
Pommes de terre 26,23 1,64 0,77
Patates douces 15,71 0,77 0,51
Taro 13,39 0,60 0,46
Navets 33,33 1,33 0,59
Igname 12,97 0,50 0,34
Légumes-fruits
Poivrons rouges 32,96 1,44 1,04
Tomates 48,42 1,79 1,05
Autres légumes
Asperges 99,13 4,70 2,13
Brocolis 106,43 5,04 1,93
Choux 57,60 2,68 1,04
Choux-fleurs 79,20 4,24 2,04
Choux frisés 66,00 3,94 1,52
Épinards 129,13 7,91 3,91
Valeurs cibles 25,00 1,00 0,50

 

Aliments Protéines Lysine Méthionine + cystéine
Grains
Riz brun 23,24 0,89 0,80
Avoine 43,42 1,80 1,85
Pain de seigle 32,82 0,90 1,20
Pain complet 39,43 1,23 1,50
Spaghettis complets 42,98 0,95 1,59
Graines
Graines de courge 41,59 3,11 1,45
Tahin 28,57 0,92 1,52
Noix
Amandes 36,78 1,04 0,81
Noix du Brésil 21,86 0,82 2,08
Noix de cajou 32,19 1,64 1,33
Noisettes 23,81 0,67 0,79
Noix de macadamia 11,02 0,03 0,04
Cacahuètes 40,48 1,45 1,02
Légumineuses
Haricots blancs en boîte 51,51 3,54 1,33
Haricots noirs 66,64 4,51 1,68
Pois chiches 54,02 3,62 1,43
Haricots rouges 77,15 5,29 2,00
Lentilles 77,76 5,43 1,68
Haricots mungos germés 96,67 5,86 1,76
Pois 66,91 3,91 1,41
Lait de soja 83,33 5,42 2,64
Tofu 106,32 7,00 2,83
Produits d’origine animale
Bœuf 72,67 6,05 2,67
Fromage cheddar 61,79 5,14 1,93
Poulet 86,51 7,02 3,45
Œuf 81,16 5,83 4,41
Agneau 63,22 5,58 2,38
Lait entier 53,93 4,28 1,85
Valeurs cibles 25,00 1,00 0,50

Illustration 11,2 : teneur en protéines et en acides aminés d’aliments communs en grammes pour 1000 calories

La première partie du tableau 11,2 liste les fruits suivis par les légumes-racines et les autres légumes. La deuxième partie liste les grains, les graines, les noix, les légumineuses et les produits d’origine animale. Cette classification facilite l’identification des caractéristiques des différents types d’aliments.

La plupart des fruits présentent des taux relativement bas, bien en dessous des besoins en protéines totales, en lysine et en méthionine + cystéine. Même si les oranges et les abricots sont proches de la cible, la plupart des fruits tels que les avocats, les bananes, les figues et les dattes n’arrivent qu’à la moitié des valeurs. Les fruits méritent d’être recommandés pour leurs propriétés très intéressantes, mais pas comme sources de protéines.

Les légumes-racines sont relativement différents les uns des autres. Le manioc a la réputation méritée d’être une très faible source de protéines. Il n’atteint qu’un tiers de la cible. L’igname n’est pas beaucoup mieux. Au contraire, cette nourriture de base des alimentations occidentales qu’est la pomme de terre atteint toutes les valeurs cibles. Elle dépasse celle de la lysine de plus de 50 %.

Les autres légumes sont des sources de protéines utiles parce qu’ils atteignent généreusement les valeurs cibles. Toutefois, il est improbable que les légumes dont la teneur calorique est faible, tels que les tomates et les épinards, puissent contribuer à l’apport calorique total de façon importante.

Bien qu’aucun grain ne soit vraiment très éloigné de la valeur cible, les grains sont les moins riches en lysine. L’avoine affiche une teneur en lysine exceptionnellement élevée, bien au-dessus de la cible.

Les graines sont très différentes les unes des autres. Les graines de courge constituent une bonne source de protéines, comparable à de nombreux haricots, alors que les graines de sésame sont faibles en lysine et sur le fil du rasoir en termes de protéines.

Les noix sont elles aussi très différentes les unes des autres. Les noix de macadamia sont très pauvres en protéines. Les noisettes n’atteignent pas davantage la cible, alors que les noix de cajou et les amandes satisfont tous les besoins. Bien qu’il s’agisse techniquement de légumineuses, les cacahuètes ont une composition protéique semblable à celle des noix de cajou et des amandes.

Les haricots, les pois et les lentilles font partie de la famille des légumineuses, qui procurent généralement de trois à cinq fois les valeurs cibles.

Bien que certains aliments végétaux affichent des teneurs protéiques relativement faibles par rapport aux besoins (les fruits, certaines racines et quelques noix), la plupart des aliments végétaux courants sont capables de les satisfaire (pommes de terre, grains, la plupart des noix et des graines). Enfin, la plupart des autres aliments végétaux, notamment leurs parties aériennes (tiges, feuilles, fruits), les graines de courge, les haricots, les pois et les lentilles excèdent très largement les besoins. Assurer des apports protéiques par la consommation exclusive d’une variété raisonnable d’aliments végétaux n’est donc pas chose difficile.

La viande, les œufs et le lait fournissent un niveau de protéines semblable à celui des pois et des haricots. Souvent considérés comme une référence protéique idéale, les œufs sont plus riches en méthionine et en cystéine que le tofu, mais ils sont plus faibles en protéines totales et en lysine. Les apports de méthionine et de cystéine peuvent être facilement assurés par une alimentation végétale, et il y a tout lieu de penser qu’il vaut mieux éviter des apports excessifs.

En raison de leur teneur en soufre (métabolisé sous la forme d’acide sulfurique), la méthionine et la cystéine sont principalement responsables des pertes osseuses imputables aux protéines. Cela force les reins à excréter davantage de calcium, tout en faisant baisser le pH du sang et des urines. Toutes les protéines accentuent la perte de calcium, mais l’effet de n’importe quelle source de protéines sur la perte osseuse dépend de sa teneur en acides aminés soufrés (méthionine et cystéine) et des minéraux présents.

Lorsqu’on compare leurs effets relatifs sur l’équilibre en calcium, les protéines d’origine animale ont un mauvais bilan par rapport aux protéines végétales (dans les mêmes quantités). Un excès de consommation en protéines est bien plus facile à atteindre lorsqu’on mange des produits d’origine animale régulièrement. Les apports protéiques élevés sont également associés au déclin des fonctions rénales chez les personnes âgées.

Choisir ses apports protéiques parmi les sources végétales permet de satisfaire facilement les besoins pour la croissance et la réparation du corps, tout en évitant les apports excessifs qui pourraient porter atteinte à la santé des reins et des os.

Stephen Walsh

(Traduit par Constantin Imbs)