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Images et actions choc

L’utilisation de la détresse animale permet de soulever des fonds, de susciter des adhésions et de réduire temporairement l’état de frustration des militants qui s’impatientent de voir le grand jour arriver. Ces méthodes servent également de conversion choc, par recours à la stupeur que provoquent les images de souffrance animale pour implanter une doctrine (généralement antispéciste), sans restituer leur dignité aux animaux ni garantir la sécurité sanitaire essentielle au développement rationnel du véganisme.

Les clichés et vidéos qui agissent principalement sur les émotions ne favorisent pas la réflexion personnelle. Le choc s’estompe avec le temps, l’idéologie aveugle aussi. La mise en pratique d’une consomm’action végane a plus de chances d’être durable lorsqu’elle est fondée sur des éléments qui peuvent être démontrés de manière rationnelle.

Le véganisme est une consomm’action dont la projection mène à l’extinction des lignées d’élevage par assèchement de la demande. Il ne s’agit pas d’ouvrir grand les portes des prisons. Ne nous mentons donc pas au sujet de la libération des animaux domestiqués, d’autant que l’appauvrissement de leurs génomes par reproduction dirigée a réduit drastiquement leurs chances de survie à l’état sauvage. Bien que nous souhaitions littéralement abolir toute exploitation animale, le déversement d’individus inadaptés dans des espaces naturels les livrerait à une mort probable, avant laquelle leur nombre considérable concurrencerait les lignées sauvages pour l’accès aux ressources. La souffrance des élevages est insupportable, c’est vrai, mais son exhibition ne sauve pas les animaux que l’on montre à l’agonie.

Grâce à la découverte de l’origine bactérienne de la vitamine B12 et de ses méthodes de culture, voilà 70 ans que l’espèce humaine peut se libérer de l’élevage et, par là-même, tuer moins d’organismes vivants dans l’ensemble des règnes. Chaque semaine, des mamans et leurs enfants présentent encore des symptômes neurologiques, malgré nos efforts d’information. Les sentiments les plus passionnés ne suffisent donc pas au développement du véganisme, qui ne pourra techniquement s’étendre à grande échelle qu’à condition que cette technicité devienne partie intégrante de la culture générale, et plus particulièrement les connaissances de base sur la vitamine B12.

L’utilisation de la détresse animale radicalise, et fait passer les informations vitales au second plan. Faute de parole, le propre des animaux est de n’avoir pourtant investi personne du glaive de la sainte justice. Encore tout imprégnées d’images sanguinolentes, des personnes fraîchement véganes surenchérissent au nom des victimes animales, dans l’espoir de convertir les masses au plus vite, tout en négligeant les informations techniques. Proche du lavage de cerveau, l’effet des méthodes agressives ne persiste pas longtemps. La mémoire des images se dissipe, comme se banalisent les choses les plus graves, et la carence en vitamine B12 frappe à la porte plus rapidement que ne le laissent supposer les rumeurs militantes. Les profils les plus virulents sur les réseaux sociaux disparaissent ainsi au bout d’une année ou deux.

Chaque campagne illustrant une pratique abominable soulève l’indignation des personnes dont l’alimentation est conventionnelle, sans pour autant condamner l’élevage dans son ensemble, parce que la réponse logique aux souffrances exhibées est de les amoindrir par des aménagements techniques. Les filières et leurs institutions implémentent des mesures, des lois propres à l’élevage, au transport et à l’abattage des animaux, ou font semblant de les mettre en œuvre.

Les images et actions choc séduisent parfois les journalistes cherchant un scandale propre à maintenir ou augmenter l’audience, mais la course au sensationnalisme pousse à filmer les pires images possibles plutôt que d’alerter immédiatement les directions d’établissement. Ce processus peut comporter des dérives, parce que l’organisation qui parvient à diffuser les pires images peut espérer des dons substantiels en retour.

On ne montre pas les décapitations d’otages humains à la télévision par exemple, parce que l’utilisation d’images choquantes, faisant monter l’audimat, encourage la violence et la rentabilise. Le snuff-movie business n’est donc pas acceptable pour notre espèce. Au contraire, les vidéos montrant des animaux dans un état de vulnérabilité total bénéficient d’une tolérance coupable, qui maintient leur statut dans une sphère éthique différente de l’espèce humaine. Ce voyeurisme de substitution ne gère pas les risques associés, dont la diabolisation des employés d’abattoirs, qui ne sont pas des monstres (plusieurs sont d’ailleurs devenus véganes).

Fort heureusement, les véritables détraqués qui jouissent de regarder souffrir les animaux semblent être peu nombreux. Les personnes diffusant des images choquantes avec insistance sur les réseaux sociaux sont assez rapidement désertées par leurs contacts. Malheureusement, les plus affectées imposent leur point de vue par des dégradations matérielles, ou par l’expression d’une misanthropie navrante, perdant le sens de la cause pacifique qu’est le véganisme.

L’utilisation des images de souffrance animale constitue en elle-même une utilisation animale, qui n’aide pas forcément à développer le véganisme sur la durée, alors que nous avons tant besoin de données scientifiques, de participation aux études nutritionnelles pour construire un lien de confiance avec les populations générales et les institutions.

Nous n’excluons pas de revenir sur cet avis si des circonstances particulières se présentent, mais, en attendant, la préférence va à l’utilisation d’images éducatives obtenues de manière éthique, qui restituent leur dignité aux animaux.

La Société végane francophone ne cautionne pas l’utilisation des images choquantes, ni les actions sensationnalistes.